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The Manchourian Candidate, John Frankenheimer, 1962

Par Mespetitesvues
Manchourian Candidate, John Frankenheimer, 1962

L'histoire: 1952. Le sergent Raymond Shaw (Laurence Harvey) revient de la guerre de Corée. Aussitôt, on considère ce valeureux soldat - n'a-t-il pas sauvé sa patrouille tout entière? - comme un héros. On le décore, on le louange, on le montre à la télé. Mais, en réalité, la patrouille en question a été kidnappée par les rebelles communistes et a été soumise à un conditionnement pavlovien. Avec pour conséquences de manipuler la mémoire des soldats afin qu'ils ne se souviennent de rien et de transformer Raymond en un être servile, facilement manipulable. Et prêt à exécuter en temps voulu un sale coup d'état. Pourquoi? Fomenté par qui?...

Là réside tout l'intérêt de The Manchourian Candidate (Un crime dans la tête, Le Candidat mandchou) de John Frankenheimer. Pour démêler l'écheveau, Bennett Marco, l'un des camarades de combat de Shaw (incarné par Frank Sinatra), trouvera sur la route le menant vers la vérité: un manipulateur de conscience aussi jovial qu'inquiétant (Khigh Dhiegh), une mère ambitieuse et contrôlante (Angela Lansbury, qui s'est mérité un Golden Globe pour son interprétation glaçante) et un beau-père d'ultra-droite ressemblant trait pour trait au véritable sénateur McCarthy (James Gregory). Marco tentera alors de déjouer un complot de grande envergure destiné à faire élire un " candidat mandchou "...

Le scénario écrit par Frankenheimer et George Axelrod est basé sur le célèbre roman de Richard Condon - également auteur de L'honneur des Prizzi (John Huston, 1988) et de Winter Kills (William Richert, 1979) - paru en 1959. Le film surprend d'emblée par sa valeur prémonitoire, tant le candidat mandchou en question n'est pas sans évoquer ce cher Donald Trump et ses relations tordues avec les autorités russes. Tout à fait pertinent plus de soixante ans après avoir vu le jour, le roman est d'autant plus troublant que ce fut le livre de chevet de John F. Kennedy, assassiné 18 mois après la sortie du film dans des conditions pour le moins obscures!

Les scénaristes ont réussi à le traduire dans un objet de cinéma ambigu, complexe, et parfois totalement surréel (la scène de blanchiment collectif de cerveau est un pur joyau de jouissance). Dans une Amérique à l'aura encore intouchée et dont la domination sur le monde n'a pour l'instant pas été contestée, la paranoïa de la classe politique envers les communistes semble avoir le pas sur les idéaux démocratiques. Au point que la manipulation des esprits est devenue une option aussi impensable que tout à fait envisageable. Personne n'y croyait à l'époque, on est aujourd'hui beaucoup moins circonspects. D'où l'intérêt historique de ce brûlot anti-républicain qui ne connut pas le succès escompté à sa sortie.

Je vous passerai les détails de la genèse compliquée de ce film que la United Artists n'aurait jamais sorti si Sinatra n'avait pas utilisé de ses relations à la Maison blanche. Distribué quelques jours à peine avant la crise des missiles cubains, Un crime dans la tête ne connut qu'une attention limitée de la part des chroniqueurs et des critiques. En outre, pour de nébuleuses raisons, Sinatra acheta les droits du film... et en bloqua, volontairement ou non, la diffusion jusqu'en 1988.

Depuis, on l'a redécouvert, on l'a replacé dans le contexte de la Guerre froide, on a compris son importance dans la dénonciation du totalitarisme de la droite bien-pensante. En toute logique, Un crime dans la tête a retrouvé chez les cinéphiles et historiens des échos dignes de sa valeur. On l'a même affublé d'un remake mille fois moins intéressant réalisé en 2004 par Jonathan Demme ( The Manchourian Candidate).

Le film fait partie de la Collection Criterion et se voit, en ligne, sur tubi.tv.


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