Magazine Cinéma

Le loup de wall street - 7,5/10

Par Aelezig

z06

Un film de Martin Scorsese (2013 - USA) avec Leonardo Di Caprio, Jonah Hill, Margot Robbie, Rob Reiner, Kyle Chandler, Jon Bernthal

Glaçant sur le fond, caricatural sur la forme.

L'histoire : Jordan Belfort est un jeune homme qui en veut. Il entre au service trading d'une grande banque où un responsable lui enseigne toutes les astuces du métier. Et la vie de richissime qu'on mène avec ses gains, drogues, voitures et belles nanas. Jordan décide d'ouvrir sa propre société de courtage. Doté d'un sens des affaires et du discours remarquables, il galvanise son personnel et fait de l'argent son maître absolu.

Mon avis : Je n'ai pas été totalement emballée par le film, alors que d'habitude je mets facilement des 8 ou des 9 à Marty. Je m'attendais à un truc "sérieux" du genre Margin call ou The company men, quelque chose de réaliste, qui dénonce le monde financier, ce colosse aux pieds d'argile. J'ai donc été très surprise par le "fun" du film, les couleurs joyeuses, les extravagances en tous genres (drogue, sexe, partouzes), la drôlerie assumée... Disons que, ça ne me fait pas rire, moi, ces types sans foi ni loi qui nous gouvernent, camés jusqu'au cervelet. Naturellement, il faut prendre relativiser, mais tous ne le feront pas, et ça m'a quand même un peu déroutée... Il voulait faire quoi, Marty ? 

z07

Sans compter que la magouille financière n'est pas très bien expliquée. On est entre le trader, le vrai, c'est un métier, légal et reconnu, et Madoff, escroc international. Il existe des cabinets de courtage, certes, indépendants des banques, mais ce n'est pas chose courante, et ça reste - normalement - des entreprises sérieuses. Si tant est qu'on peut qualifier de sérieuses, ces pratiques pour faire de l'argent virtuel qui, pour ma part, me débectent profondément. Jordan Belfort le dit lui-même au début, ou plutôt son mentor (petit rôle interprété par Mathew McConaughey, sidérant) : on fait gagner de l'argent à certains en en volant d'autres, et on se prend la commission au passage, qui elle, est bien réelle. Peut-on imaginer job plus dégueu ?

Si en milieu professionnel, on ne fait pas gonfler articiellement les valeurs et donc les entreprises (normalement... mais on peut se poser des questions avec l'affaire Kerviel, entre autres), ici nous sommes face à une entreprise de courtage privée, qui fait donc ce qu'elle veut. Je ne suis pas sûre que ça existe en France ; il me semble qu'il y a des garde-fous. Le mécanisme Belfort : on prend une action A (à la limite... n'importe laquelle peut faire l'affaire, même la plus modeste) et on appelle un maximum de clients en leur disant qu'elle va monter, monter, monter... donc tout le monde en veut, tout le monde en achète, et son prix grimpe. Formidable, le client empoche ses bénéfices, le courtier sa commission et l'entreprise se retrouve toute guillerette, toute effarouchée par ce brusque succès. Mais ça ne peut durer qu'un temps puisque c'est virtuel. Le ballon se dégonfle, on réalise que la société A n'a pas du tout le potentiel. L'action redescend, le courtier crie "vendez", l'entreprise s'écroule, des files de licenciés pointent au chômage, le patron se suicide. Et hop, on s'attaque à l'action B et on refait la même chose. C'est profondément, profondément, abject. Mais c'est légal. Belfort a été arrêté non pas pour ce job, mais pour délit d'initié, détournements de fonds et blanchiment d'argent, des activités annexes qu'il n'était pas obligé de pratiquer, mais auxquelles il a succombé par appât du gain. Et tout ça, j'ai trouvé que Marty ne l'expliquait pas assez. On ne voit que ces gars en train de faire la fête, de se camer, de niquer partout, de s'acheter des maisons, des voitures, des femmes somptueuses (dans l'ordre...). Je pense qu'il aurait dû insister sur la technique, sur la véracité de ces faits et de leurs conséquences, afin que l'on comprenne bien que ces types gagnent plein de fric en en ruinant d'autres. C'est ça, la Bourse.

En tous cas, c'est bien déprimant... Quand on pense que ce genre de types mènent le monde en faisant pression sur les gouvernements, waouh, ça donn envie de vomir.

z09

La réalisation, elle, est formidable. Rythme parfait, étourdissant même, puisqu'on tient 3 heures sans s'ennuyer ! Des couleurs, du mouvement, des répliques, des gags... on rit beaucoup. Jaune, mais on rit. L'interprétation de Léo est exceptionnelle... il nous offre une belle série de "tronches" selon les moments de l'histoire, façon DeNiro, époustouflant. La scène où il est tellement camé qu'il est à motié paralysé et tente de rejoindre sa voiture en rampant est un vrai morceau d'anthologie ! Mention spéciale également pour Jonah Hill, d'habitude cantonné aux rôles de petit gros comique, qui ajoute ici une corde malsaine à son personnage, avili lui aussi par le gain, et détruit par la drogue.

Un film excellent, mais un peu trop fun, pas assez didactique. Malgré la "rédemption" de Belfort à la fin, l'image de ses auditeurs attentifs et celle de l'agent du FBI qui se pose des questions alors qu'il prend le métro pour rentrer chez lui... montrent bien que ce type d'homme reste dangereux : la seule partie du discours qui fait briller les yeux, c'est quand Jordan explique cet "argent facile" et on sent alors dans le regard de tous la question : "Pourquoi pas moi ?". Cette dernière séquence est édifiante, très forte, mais je regrette encore une fois, que le message "l'argent fictif n'existe pas ; l'argent qu'on gagne à profusion, c'est qu'on le vole à quelqu'un d'autre..." ne passe pas assez nettement. Leonardo a d'ailleurs précisé en interview : "Le film pourrait ne pas être compris par certainsJ'espère que le public comprend que nous ne tolérons pas ce comportement, que nous le condamnons. Le livre était une mise en garde et si vous restez jusqu'à la fin du film, vous comprendrez ce que nous affirmons à propos de ces gens et de ce monde, car ce dernier est toxique". Pas sûr que ça suffise, un petit commentaire comme ça, après coup...

Anecdotes : un très court rôle, assez nul, pour Jean Dujardin - très à la mode au States à l'époque - en banquier suisse. Et puis au casting, quelques amis réalisateurs de Marty : Rob Reiner, Jon Favreau, Spike Jonze...

z08

La presse porte le film aux nues. Quelques commentaires qui m'ont plu :

Ils ont aimé : Télérama : "Peut-on se passionner pendant trois heures pour un bouffon doublé d'une ordure ? Le nouveau film de Martin Scorsese nous apprend que oui." Transfuge : "Un chef d’œuvre en forme de fête des fous."

Bémols : La Croix : "Martin Scorsese semble se complaire sans parvenir à dénoncer." - Le nouvel Obs : "Les comportements d'une bande de crétins intéressés exclusivement par eux-mêmes" - Positif : "Point n'était besoin d'en rajouter dans la vulgarité, la chose en soi était et est suffisamment hystérique".

3.000.000 d'entrées en France. Magnifique succès, mérité, pour Scorsese. Mais je remarque dans l'immense majorité des commentaires spectateurs que ce qui a plus, c'est la démesure du personnage, la drogue, le sexe, la drôlerie... très peu notent réellement l'enjeu du film : le fric virtuel et le danger qu'il représente. Ceux qui l'ont compris sont comme moi : déçus que ce thème-là soit traité de façon aussi superficielle. Ce n'est pas avec ce film qu'on éclairera les foules sur les bombes à retardement que sont les bourses mondiales, d'autant que les "valorisations (pour faire joli) - spéculations (pour parler vrai)" sont désormais traitées... par des ordinateurs.  

z10


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Aelezig 127315 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines